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Moisan
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Nicolas Hellec
Administrateur


Inscrit le: 27 Mar 2005
Messages: 475

MessagePosté le: 11 Aoû 2006, 15:11    Sujet du message: Moisan Répondre en citant

Personnage très sympatique de Marée Blanche (4), Moisan est le type même du gars qui fait son travail par dépit.
Jean Failler a réussit à en faire un personnage alcoolique et pourtant sympatique.

Il est d'ailleurs assez bien joué par Pierre Rinaldi dans le téléfilm.

C'est sans doute un des atouts supplémentaires de ce quatrième roman qui en fait un des meilleurs de la collection.
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Lionel



Inscrit le: 28 Nov 2006
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MessagePosté le: 09 Fév 2007, 18:39    Sujet du message: Répondre en citant

Gérard ? Rinaldi
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alain grandil



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MessagePosté le: 14 Fév 2007, 15:26    Sujet du message: Répondre en citant

C'est bien de Gérard Rinaldi dont il s'agit. Un acteur qui a du talent et que l'on voit souvent dans des séries de qualité à la TV, et souvent en Bretagne d'ailleurs ! Je n'ai pas vu le téléfilm, mais je pense qu'il a du faire un Moisan très attachant. Le personnage du roman attire tout de suite la sympathie malgré son côté alcoolo. Mary Lester ne s'y trompe guère d'ailleurs et lui accorde d'emblée sa confiance tout en lui prêtant une oreille attentive. Et Moisan en a d'ailleurs pas mal à dire, sur la rude vie des pêcheurs, sur la sombre évolution de leur univers et sur leur devenir... Un beau plaidoyer sur les difficultés d'un monde qui tend sans doute à disparaître Crying or Very sad . C'est pourtant pour ce monde que Moisan, fonctionnaire de police contrarié aurait bien voulu vivre, malgré la sécurité de l'emploi dont il bénéficie malgré lui. Sans doute aurait il été meilleur en marin qu'en flic. Pourtant, Mary Lester parvient à le faire bouger, à le "booster" dans cette "Marée Blanche", tout en lui procurant quelque-part la motivation qui lui faisait défaut au début de l'enquête. Nous avons peut-être assisté au début d'une rédemption pour l'inspecteur Moisan, et personnellement, je ne serais pas fâché de le voir réapparaître dans une prochaine enquête de Mary Lester. On a d'ailleurs vu un affreux capitaine de police nantais -dont j'ai oublié le nom- qui s'était méchamment distingué dans "Couleur Canari", ressurgir à son avantage dans "La Variée était en noir"... Very Happy Peut-être que Jean Failler nous offrira à l'occasion un autre come-back en la personne du sympathique Moisan ! Wink
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Jean-Claude Colrat



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MessagePosté le: 14 Fév 2007, 22:00    Sujet du message: Répondre en citant

Je crois me souvenir que dans Aller simple pour l'enfer on apprend que Moisan est à la retraite et s'est acheté un bâteau pour aller à la pêche. A vérifier quand j'aurai remis la main sur le bouquin prêté à un ami.
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Lionel



Inscrit le: 28 Nov 2006
Messages: 818

MessagePosté le: 15 Fév 2007, 00:53    Sujet du message: Répondre en citant

Gérard Rinaldi fut quand même membre éminent de l'ineffable groupe "Les Charlots" qui porta haut le flambeau de la "panne" cinématographique franchouillarde et nous chanta (entre autres) les mémorables "Albert le contractuel" et "Je chante en attendant que ça sèche" ou encore "La biguine au biniou".
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Nicolas Hellec
Administrateur


Inscrit le: 27 Mar 2005
Messages: 475

MessagePosté le: 24 Fév 2007, 01:16    Sujet du message: Répondre en citant

Oui, c'est bien Gérard et pas Pierre Surprised Mais où avais-je la tête ? Moi qu'un collègue surnomme Pierre Tchernia à cause de mes connaissances en cinéma Laughing

Gérard Rinaldi, c'est aussi Marc et Sophie, cette série dont le générique vous restait dans la tête pendant des jours Laughing
Jean-Claude Colrat a écrit:
Je crois me souvenir que dans Aller simple pour l'enfer on apprend que Moisan est à la retraite et s'est acheté un bâteau pour aller à la pêche. A vérifier quand j'aurai remis la main sur le bouquin prêté à un ami.

Je ne me rappelais plus qu'on en parlait dans un roman, mais j'allais dire que justement, il devait être à la retraite depuis le temps.
Ca n'empêche pas que Mary pourrait le rencontrer. D'ailleurs, l'inspecteur nantais à qui Alain fait allusion est bien à la retraite quand on le revoit.
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alain grandil



Inscrit le: 09 Sep 2006
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MessagePosté le: 01 Mar 2007, 14:13    Sujet du message: Répondre en citant

Gérard Rinaldi a bien sûr un passé... Les "Problèmes" pour accompagner le chanteur Antoine, puis les "Charlots", leurs chansons ringardes mais parfois parodiques, et aussi tous ces films plutôt débiles que l'on a pu voir ou éviter à la TV dans les années 70-80... Pourtant, après la série Marc et Sophie, plutôt sympa, Gérard Rinaldi est revenu aux affaires et je dois dire qu'en vieillissant, tel un bon vin, il s'est bonifié. Ces dernières années, on a pu le redécouvrir dans pas mal de séries télévisées avec des rôles diversifiés mais toujours intéressants. Je ne me souviens pas avoir vu un mauvais téléfilm dans lequel il aurait joué. Par contre, je ne l'ai pas vu en Moisan puisque j'ai loupé "Marée Blanche"...
A propos de Moisan, c'est vrai qu'on le reverrait bien avec plaisir, même à la retraite, dans une aventure de Mary Lester. Peut-être Jean Failler nous fera t-il cette surprise un jour ? Comme le souligne Nicolas, on a bien vu l'infâme capitaine Leroux (Maurice Leroux) ressurgir dans "La Variée était en noir", après sa mise à la retraite et sa peu reluisante prestation dans "Couleur Canari". Alors pourquoi pas d'autres come-back ? Wink
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Jean Failler



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MessagePosté le: 24 Juin 2007, 23:20    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai cotoyé Gérard Rinaldi pendant le tournage de Marée Blanche à Concarneau et nous avions bien sympathisé.
C'est un homme très simple et de très bonne compagnie.
Je l'ai revu au cours d'autres tournages, mais ce dont je me souviens, c'est que c'est un formidable chanteur.
Pour fêter la fin du tournage de Marée Blanche, la chaîne avait organisé une petite fête dans un restaurant de Concarneau, avec tous les acteurs,
figurants et personnes ayant contribué à la bonne marche du tournage.
Il y avait eu un karaoké et Gérard nous avait gratifié d'une magistrale démonstration qui renvoyait tous les autres chanteurs amateurs à leurs études.
Le monsieur a une sacrée voix, et il sait s'en servir !
Bien à vous,
J. Failler
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Jean Failler



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MessagePosté le: 24 Juin 2007, 23:32    Sujet du message: Répondre en citant

Puisque vous me faites l'honneur de vous intéresser à Moisan, et comme c'est la Saint-Jean, je vous fais cadeau de cette petite nouvelle qui m'avait été commandée par "Bonnes Soirées" et qui est passée inaperçue des lecteurs de Mary Lester.
Bonne lecture !

“Vendredi 7 novembre, Concarneau est désert. L'horloge lumineuse de la vieille ville, qu'on aperçoit au-dessus des remparts, marque onze heures moins cinq…”.
On était bien un vendredi, il était bien onze heures moins cinq, mais on était en juin, pas en novembre, comme dans ces premières pages du Chien Jaune, ce roman que Georges Simenon a écrit à Concarneau..
Et surtout, on était en 2004 et non en 1930. Les élégants dundee de bois, de toile et de chanvre avaient laissé place aux grands chalutiers d'acier rouillé, en attente du déchargement de leur pêche devant le long bâtiment blanc de la criée.
Les chaloupes sardinières noires, aux voiles ocres, élégantes comme des oiseaux n'existaient plus que sur les cartes postales et dans la nostalgie des plus anciens. De petits bateaux à moteur et à coque plastique les avaient remplacées. On les appelait “les côtiers”, car ils ne perdaient guère le littoral de vue, partant aux aurores et rentrant pour la vente de dix heures avec des poissons vivants et des langoustines frétillantes, pour le plus grand plaisir des touristes et des gourmets.
En attendant l'heure de la marée, ils reposaient sagement amarrés à un ponton flottant au milieu du port.
L'horloge du beffroi qui domine le pont-levis menant à la ville Close venait de s'éclairer et, bien qu'il restât encore un peu de jour dans le ciel rose et bleu, les projecteurs qui mettaient en valeur les formidables murailles de pierre dressées par Vauban pour défendre le port contre l'Anglois s'allumaient à leur tour.
Et les drapeaux qui au moindre souffle battaient au vent, pendaient mollement au long de leurs hampes plantées sur le glacis de la forteresse. En cette belle soirée de juin, douce et tiède, les places étaient chères aux terrasses des bars quai d'Aiguillon.
Dans la pénombre qui tombait, des escadrilles de martinets surgissaient en poussant des cris aigus. Les gros goélands gris et blanc alignés sur les mains courantes face à la ville close avaient commencé leur nuit, indifférents aux couples enlacés qui les frôlaient.
Par dessus les mâts de l'avant port désormais réservé à la plaisance où les yachts étaient garés comme des voitures sur un parking on apercevait la mer où des feux rouges et verts s'allumaient ; les Glénan s'ennoyaient dans la brume de chaleur, faisant mentir le mauvais diction qui prétend qu'à Concarneau quand on voit les îles c'est qu'il va pleuvoir et que, quand on ne les voit pas, c'est qu'il pleut.
Mary Lester attendait son ami Lilian à la terrasse des Korrigans, la taverne de Guitte, hélas disparue dans des circonstances tragiques.
Par bonheur, ses enfants maintenaient la tradition. Ce soir-là un excellent quartette de jazz se produisait dans l'établissement bondé. Mary ne se souciait pas d'y entrer. Trop de fumée de cigarettes, trop de bruit sous le plafond bas, trop de promiscuité. Guy, le serveur, en chemise et en sueur s'efforçait de se frayer un passage parmi les danseurs s'agitant en cadence, son plateau de demis de bière à bout de bras.
Mary se trouvait bien à l'extérieur. Elle était attablée devant un Coca, regardant paisiblement les gens passer sur la promenade en goûtant la musique qui lui parvenait, assourdie.. Enfin, elle se serait trouvée encore mieux si un fâcheux ne s'était imposé à sa table quasiment sans s'excuser, en terrain conquis.
C'était un bellâtre d'une trentaine d'années qui faisait des mines en allumant des cigarettes anglaises à un briquet paraissant taillé dans un lingot d'argent.
Sans doutes espérait-il impressionner Mary Lester qu'il regardait comme une proie déjà séduite, sans se douter que s'il devenait trop collant, il allait prendre un verre de Coca en pleine poire.
C'était, comme aurait dit Audiard, un gazier qui aurait eut sa place au pavillon de Breteuil si la connerie avait été quantifiable.
L'attention de Mary fut attirée par une silhouette qui se découpait là-bas sur les remparts. La démarche de cette personne n'était pas normale, elle allait et venait avec précipitation, semblant fuir quelque chose, puis elle disparut, et, par dessus le bruit de l'orchestre, par dessus le fond de bruit des voitures passant au ralenti, et malgré la distance, Mary crut entendre un cri d'effroi.
Elle se leva d'un bond, bousculant la table si bien que le Coca, qu'elle avait envisagé un instant de balancer sur les cheveux gominés du bellâtre, se répandit sur sa braguette. Elle le regarda chasser le liquide d'un air dégoûté et elle laissa tomber :
- C'était écrit…
Cette douche fraîche allait peut-être calmer ses ardeurs. Sans attendre, elle fila, légère, vers l'entrée de la ville Close où un attroupement s'était formé aux pieds des remparts, se tenant à distance respectueuse d'une silhouette humaine qui gisait sur le pavement de grès, immobile. Un homme était agenouillé près de cette forme ; il se releva en faisant une grimace explicite : Mort ! Il secoua la tête. Comment survivre à une pareille chute ?
Les regards se levèrent vers le rempart, dix mètres plus haut et un loustic jeta :
- C'est pas un endroit pour plonger, il n'y a pas assez d'eau !
Quelques regards courroucés et scandalisés fusillèrent le plaisantin qui préféra battre en retraite.
Une sirène se faisait entendre, puis le “pin-pon” des pompiers. Mary constata que la silhouette allongée était vêtue d'une sorte d'imperméable ce couleur mastic, ce qui n'était guère une tenue adaptée au temps. Un chapeau gisait à quelques mètres de là, et une pipe qui s'était brisée sur le pavé.
“Ce qui s'appelle casser sa pipe” pensa-t-elle.
La voiture des pompiers s'arrêta dans un crissement de pneus et le “pin-pon” assourdissant qui résonnait contre les murailles de pierre mourut. Deux pompiers se frayèrent sans ménagement un passage parmi les badauds et ils retournèrent le corps avec précautions et on vit alors que la victime portait une chemise blanche sur laquelle du sang avait coulé, et un nœud papillon. Ses lunettes, brisées, pendaient de guingois sur sa face meurtrie.
Les flics arrivés firent des photos du corps. Un témoin leur expliqua d'où l'homme était tombé et tout le monde leva la tête pour apprécier l'ampleur de la gamelle fatale.
- Suicide ? demanda le flic.
- J'crois pas dit le témoin en secouant la tête. Il jouait avec un chien, il a dû glisser…
- Un chien ?
- Oui, confirma l'homme, une sorte de gros chien jaune…
- Bizarre ! dit le flic, j'ai l'impression d'avoir déjà vu ce type.
Il fit une moue et ajouta :
- Mais dire où…
Nouvelle moue, puis :
- Enfin, puisque c'est un accident…
On le sentait soulagé. Derrière Mary, une très vieille femme se signa et dit d'une voix blanche :
- Ma Doué ! Mais c'est le petit Georges !
Puis elle s'en retourna, en sanglotant dans son mouchoir. Mary la suivit :
- Vous le connaissiez ?
La vieille hocha la tête affirmativement en se tamponnant les yeux. Elle trébucha et serait tombée si Mary ne l'avait retenue par le bras.
- Méfiez-vous, dit Mary, le sol est inégal !
- Je le sais bien, bougonna la vieille, la Ville Close, j'y suis née…
- Vous habitez par là ? demanda Mary en montrant la rue bordée de boutiques dont les étals regorgeant de pacotille débordaient sur la chaussée.
- Oui, à la maison de retraite.
- Voulez-vous prendre mon bras, ? Je vais par là.
- Tu es bien gentille, dit la vieille dame en se mouchant derechef. D'habitude les jeunes se foutent pas mal des vieux.
Et elle cramponna le bras de Mary qui lui demanda :
- Ainsi vous connaissiez ce malheureux ?
- Le petit Georges ? Je pense bien !
-. Il était de Concarneau ?
- Oui, mais il habitait Paris.
- Un vacancier ?
- Si on veut… Il venait voir sa mère.
- Et elle est où, sa mère ?
C'était agaçant, il fallait lui arracher les mots.
- À la maison de retraite, fit la vieille comme si c'était une évidence.
- On peut la voir ?
Elle s'arrêta et regarda Mary curieusement :
- Qui ça, sa mère ?
- Mary réprima un geste d'impatience. Ce n'était évidemment pas la maison de retraite qu'elle voulait visiter. La vieille avait compris.
- Pour la voir, on peut la voir ! dit-elle. Tous les jours on met son fauteuil roulant dans le hall à dix heures, et on la couche à six… Elle ne risque pas de se sauver !
- On peut lui parler ?
- Oui, on ne peut même faire que ça. À condition de ne pas attendre de réponse.
- Ah… dit Mary, elle n'a plus sa tête…
- C'est une plante verte, dit la vieille, on la met au soleil, on la rentre, on l'arrose… et c'est tant mieux, comme ça elle ne saura pas que que son petit Georges est mort.
- Mais ici, où logeait-il ce Georges?
- Depuis que l'hôtel de l'Amiral a fermé, à l'hôtel Kermoor.
On arrivait devant l'entrée de l'ancienne maternité transformée, signe des temps, en maison de retraite.
- Ouf, fit la vieille en montrant un banc, je vais m'asseoir un peu. Je ne suis pas pressée d'aller m'enfermer là-dedans !
Elle se laissa tomber sur le banc et Mary s'assit auprès d'elle.
Elle en avait à raconter, la pipelette ! Concarneau est une ville où les femmes n'ont pas la langue dans la poche. Il suffisait d'amorcer la conversation et ça roulait tout seul. Mary demanda :
- Vous connaissez donc ce petit Georges depuis longtemps ?
- Depuis qu'il est né ! À l'époque, j'avais dix-sept ans, j'étais femme de chambre à l'hôtel de l'Amiral. Jeanne Lemaître, c'est la mère du petit Georges, y travaillait en même temps que moi. Elle avait alors vingt ans. Elle était jolie, coquette elle amait s'amuser et courait les bals avec une bande de garçons qui la courtisaient. Monsieur le curé disait que c'était une dévergondée. De fait, elle a fini par se retrouver enceinte.
La vieille leva les bras au ciel :
- Ah, dame, c'est qu'à l'époque ça ne se faisait pas, d'être enceinte sans être mariée ! C'est pas comme maintenant, s'pa ?
- Et qui était le père ? demanda Mary.
- C'est pas des pères qui manquaient, dit la vieille, ils étaient bien trois ou quatre prêts à régulariser, comme ils disaient. Mais, à fréquenter le beau monde à l'hôtel, la Jeanne était devenue fiérouse. Elle n'en a point voulu, de ces marins pêcheurs, de ces ouvriers d'usine, de ces charpentiers de marine qui la demandaient. Elle a disparu, laissant entendre que l'enfant qu'elle portait était le fils d'un homme célèbre, un écrivain. Or, à cette époque, Georges Simenon avait séjourné à l'hôtel de l'Amiral.
Mary Lester tapa dans ses mains : Georges Simenon ! c'était bien sûr, l'imperméable, le chapeau, la pipe… la victime semblait être un clone du célèbre écrivain. On venait de fêter le centième anniversaire de sa naissance.
- Celui-là aimait les femmes, c'est le moins qu'on puisse dire, fit-elle entre ses dents.
- Jeanne, poursuivit la vieille sans s'apercevoir de l'interruption, Jeanne est partie accoucher à Paris, chez une cousine de sa mère qui a bien voulu l'accueillir et puis je l'ai perdue de vue. Je ne sais pas ce qu'elle a fait de sa vie, mais elle n'a pas fait fortune. Elle est revenue un jour à la maison de retraite, mais elle était déjà comme un légume.
- Ce Georges, dit Mary, était donc le fils de…
La vieille éclata de rire :
- De Simenon ? Je savais que tu allais me dire ça !
Elle regarda Mary d'un air moqueur et lança :
- Mais non ! À l'époque, Simenon était déjà parti. J'ai compté, il s'en fallait de six mois !
- Mais Georges, lui, il y croyait, dit Mary.
- Dur comme fer ! Sa mère lui avait tant et tant seriné qu'il était le fils d'un homme célèbre… D'un écrivain… Je te l'ai dit, elle était fière, la Jeanne, et ce n'est pas rien un écrivain !
Elle haussa les épaules.
- Je n'ai jamais cherché à le détromper.
Mary se leva :
- Il faut que j'y aille.
- Moi aussi, dit la vieille en se levant sans enthousiasme.
Comme à regret elle fit quelques pas vers l'entrée de la maison de retraite, s'arrêta et se tourna vers Mary :
- Ne va pas raconter ça à tout le monde, hein ?
Mary promit et s'en retourna vers la poterne, songeuse. Le corps du malheureux petit Georges avait été enlevé, une voisine avait dû jeter un seau d'eau sur les traces de sang. Il subsistait une tâche humide sur le pavé. Les passants continuaient d'aller et venir dans le soir paisible.
Ces murailles, au cours des siècles avaient connu tant de sièges, d'assauts, de bombardements, de massacres et d'égorgements qu'un cadavre de plus ou de moins ne comptait guère.
Un homme sortit de l'ombre :
- Mary Lester ?
Mary se retourna, méfiante et s'exclama :
- Moisan…
Elle considéra l'ex-inspecteur qu'elle avait connu lors de sa première enquête à Concarneau. Moisan semblait avoir rajeuni. Il portait une vareuse rapiécé, un vieux pantalon, des sandales en plastique.
- Tu es magnifique, dit-elle avec conviction. Que fais-tu de ton temps ?
- La pêche, répondit-il laconiquement en souriant.
Fils de pêcheur, Moisan avait longtemps souffert de voir sa vocation contrariée. Maintenant qu'il était à la retraite, il pouvait enfin se livrer à sa passion. Il demanda à Mary :
- Et toi ? toujours flic ?
- Toujours…
Ils se contemplèrent un moment en silence, comme deux vieux amis qui ne se sont pas vus depuis trop longtemps et qui ne savent plus quoi se dire. De la tête, Moisan montra la tâche sombre sur le pavé.
- Le petit Georges est mort…
- Tu le connaissais bien ?
- Comme ça. C'était un fils naturel de Georges Simenon.
Elle le regarda de telle manière qu'il crut qu'elle de se moquait ; il ajouta, méfiant :
- Ça n'a pas l'air de t'étonner…
- Se souvenant de la promesse faite à la vieille femme, elle éluda :
- Simenon… On lui a prêté tant de femmes qu'on peut bien aussi lui prêter quelques enfants.
- Prêter ? répéta Moisan d'une voix lente, Mary Lester, est-ce que, par hasard, tu ne chercherais pas des choses derrière les choses ?
Elle répondit par une autre question :
- Moisan, est-ce que tu as vu “L'homme qui tua Liberty Valance ?”
- Je crois. Mais il y a longtemps, pourquoi ?
- Pour cette réplique, dit-elle : “Dans l'Ouest, quand la légende est plus belle que la vérité, on garde la légende”
Moisan fronça les sourcils :
- Où veux-tu en venir ?
- On est dans l'Ouest, mon vieux Moisan, on est dans l'Ouest !
Avec un signe de la main, elle disparut dans la nuit tiède laissant l'ex-inspecteur méditer cette phrase sybilline.
Son ami Lilian était assis à la place qu'elle avait abandonnée.
- Je t'ai vu partir, dit-il en l'embrassant, tu as filé comme si tu me fuyais.
Elle le rassura :
- Tu es bête ! C'est un vieux flic que j'ai connu quand j'étais à Concarneau. Je te raconterai…
Elle s'appuya confortablement contre son épaule et, levant la tête, scruta l'immensité de la voûte céleste toute constellée d'étoiles en songeant au petit Georges parti retrouver le grand Georges, quelque part, là haut…
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Lionel



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Messages: 818

MessagePosté le: 25 Juin 2007, 06:15    Sujet du message: Répondre en citant

Merci Smile
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Jean-Claude Colrat



Inscrit le: 10 Sep 2006
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Localisation: Orléans

MessagePosté le: 25 Juin 2007, 17:44    Sujet du message: Répondre en citant

Voilà un forum relancé à 100 à l'heure grace à l'auteur !!! Razz
Un grand merci à Jean Failler de s'être joint à nous. Laughing
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amicalement à toutes et à tous. JCC
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alain grandil



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MessagePosté le: 27 Juin 2007, 20:52    Sujet du message: Répondre en citant

Merci à Jean Failler pour l'exclusivité de cette histoire qui nous donne de bonnes nouvelles de l'inspecteur Moisan. En retraite, celui-ci n'en est pas moins au courant des bruits qui depuis les années 30 planent encore sur Concarneau et ses mystères. Le petit Georges était-il le fils naturel de Georges Siménon ? Nul ne le sait vraiment, mais on peut l'imaginer comme ça ! La part du rêve le dispute à celle de l'histoire, mais toutes les deux semblent se croiser, de telle manière que l'imaginaire est encore en bonne place pour tenter de dénouer l'intrigue, chacun à sa façon. Mary Lester semble être ici le témoin d'un passage de relais entre deux ou trois générations. Elle semble aussi assister à la rédemption de Moisan, celle que tout le monde attendait. Bonne nouvelle !

A propos de Gérard Rinaldi, je me souviens qu'il avait une fort belle voix, même si celle-ci était mise au service des "Charlots". Comme Guy Marchand (Nestor Burma à la TV) il avait (et a toujours) ce don de chanteur à la formation classique, suivie d'un travail rigoureux propre à le faire évoluer dans ce qui reste un art majeur. Doué d'un organe dont il savait se servir comme d'un instrument, la vague du yé-yé a peut être englué un réel talent de vrai chanteur. Merci à Jean Failler pour cette anecdote fort intéressante à propos du sympathique et talentueux Gérard Rinaldi.
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Lionel



Inscrit le: 28 Nov 2006
Messages: 818

MessagePosté le: 28 Juin 2007, 08:41    Sujet du message: Répondre en citant

Et, euh ?

Il y en a encore des gentilles petites nouvelles comme celle-ci qui ont été publiées dans une revue ou l'autre ?

Si leur nombre le justifie (pour leur qualité nous ne sommes pas inquiets Wink ) est-il envisagé de les réunir dans une même édition ?

Ah, ces fans, vous leur donnez un bout de phalange, ils vous prennent le bras !

Malicieusement

Lionel

P.S. Mr Failler ne prenez pas ce message au premier degré, j'ai bien lu la répartition que vous souhaitez faire entre vos différents ouvrages Smile
C'était un petit clin d'oeil (quoique ? aurait dit Raymond Devos)
"On n'est pas des boeufs"
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Jean Failler



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MessagePosté le: 30 Juin 2007, 22:52    Sujet du message: Répondre en citant

J'ai un autre recueil de nouvelles sous le coude, mais elles ne concerent pas Mary Lester.
Comme je vous l'ai dit, celle-ci (qui reste la seule de son genre) m'avait été commandée par un magazine et, ce qui était amusant, c'est qu'ils avaient fixé le nombre de caractères que devait tenir le texte.
Avec l'aide de l'ordinateur, j'y suis arrivé au caractère près.
Sinon, vous me connaissez, j'en aura fait cent pages !.
Bien à tous,
J. Failler
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Lionel



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MessagePosté le: 30 Juin 2007, 23:08    Sujet du message: Répondre en citant

Eh bien, encore merci pour l'exception notoire, cela nous a fait bien plaisir Smile

Prochaines aventures de Mary en novembre, elles seront très attendues !

Bonne chance et bon courage pour (tous vos) autres projets.

Amitiés, Lionel
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